Auteur principal : Matthieu Brejon de Lavergnée
Sorbonne Université/Centre d’histoire du XIXe siècle
Gérard Cholvy est né le 17 novembre 1932 à Casablanca (Maroc). Il est décédé à Montpellier où il résidait, le 15 juin 2017, âgé de 84 ans. Il avait épousé en 1961 Janine Laurent – fille de l’historien ruraliste Robert Laurent, professeur à l’université de Montpellier jusqu’en 1977 – dont il eut quatre enfants. Méridional et chaleureux, il est originaire par son père, René Cholvy, du Vivarais, et par sa mère, Marie-Madeleine Colombani, de Corse.
Il fait ses études secondaires, puis sa propédeutique, au lycée Lyautey de Casablanca où il fréquente de nombreux juifs, mais aussi des musulmans. Catholique engagé, il est, étudiant à Montpellier, président du Centre catholique universitaire, membre « sans adhésion fanatique » de la Jeunesse Étudiante Catholique, de la Fédération française des étudiants catholiques, de l’Action catholique de la jeunesse française dont il préside le Comité départemental de l’Hérault en 1956.
Après Casablanca, Gérard Cholvy continue ses études à la Faculté des Lettres de Montpellier de 1953 à l’agrégation d’histoire qu’il obtient en 1957, la même année que Jean-Marie Mayeur et Antoine Prost, ses condisciples de la JEC. Il avait soutenu un diplôme d’études supérieures sur « Le recrutement sacerdotal et religieux dans le diocèse de Montpellier depuis 1801 » sous la direction d’Alphonse Dupront, plus attiré cependant par les analyses quantitatives du chanoine Fernand Boulard, auteur de la fameuse carte de la pratique religieuse (1947), que par la pyschologie collective de son premier maître. Professeur au lycée Lyautey (1957-1959), il fait son service militaire en Algérie (1959-1962) puis enseigne au lycée de garçons de Montpellier (février-juin 1962). Toute sa carrière universitaire se déroule ensuite à l’université de Montpellier : assistant d’histoire contemporaine (1962-1966), maître-assistant (1966-1974), maître de conférences (1974-1976), professeur (1976-2002), professeur émérite en 2002.
Marqué par la géographie vidalienne, Cholvy avait soutenu sa thèse de 3e cycle en 1967 (Géographie religieuse de l’Hérault contemporain, publiée aux PUF en 1968 avec une préface de Gabriel Le Bras) et sa thèse de doctorat ès-lettres en 1972 à la Sorbonne (Religion et société au XIXe siècle : le diocèse de Montpellier). Au sein de son université, Cholvy a dirigé l’UER d’histoire de 1975 à 1981, le DEA Histoire et civilisations de 1983 à 2002 ; il a aussi présidé l’université du Tiers-Temps de 1980 à 1992. Professeur généreux de son temps et soucieux de la « relève », Cholvy a dirigé 310 mémoires de maîtrise et 35 thèses.
Il a été membre du jury de l’ENA (1975-1989), de l’ENS de Fontenay (1977-1980). Il a présidé les deux associations de promotion de l’histoire religieuse qu’il avait contribué à fonder, l’une universitaire, l’autre destinée à un public plus large : l’Association française d’histoire religieuse contemporaine (1981-1984) et le Carrefour d’histoire religieuse (1992-2001). Il était membre du Conseil d’administration de la Société d’histoire religieuse de la France depuis 1983, membre du Comité directeur des Annales du Midi (1970-1991), membre correspondant du Comité des Travaux historiques et scientifiques, membre de l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier depuis 1979, membre titulaire de la Société archéologique de Montpellier depuis 1986, membre correspondant de la Société archéologique de Béziers (1972), de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts de l’Ardèche (1990), de l’Académie de Lascours (Gard, 1993), président de la Fédération historique du Languedoc méditerranéen (1982-1994). Il était aussi président d’honneur de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie Languedoc-Roussillon.
Il a reçu la Médaille commémorative Afrique du Nord, agrafe Algérie (1960), était chevalier dans l’Ordre national du Mérite (1985), officier dans l’Ordre des Palmes académiques (1992), commandeur dans l’Ordre de Saint-Sylvestre Pape (2003).
Dix-neuviémiste, les travaux de Gérard Cholvy s’enracinent en amont dans le XVIIIe siècle et ont plusieurs fois exploré la question religieuse sous la Révolution française ; ils embrassaient aussi le XXe siècle jusqu’au plus contemporain, d’une enquête de pratique dominicale conduite à Montpellier en 1962 pour sa première thèse aux liens entre migrants et religions dans son dernier livre en 2016.
Gérard Cholvy appartient à cette génération d’universitaires qui a contribué à déconfessionnaliser l’histoire religieuse. Ses travaux empruntent trois directions principales : l’histoire régionale, l’histoire des mouvements de jeunesse, la biographie.
Dans le prolongement de sa thèse, Cholvy a coordonné le volume 3 des « Matériaux Boulard » consacré à vingt-quatre départements du Sud-Ouest (FNSP-EHESS-CNRS, 1992). Il a aussi dirigé plusieurs volumes d’histoire régionale chez Privat (Histoire de Montpellier, de l’Hérault, du Languedoc, etc.). Son immense érudition lui a permis de contester la thèse en vogue dans les années 1960 d’une déchristianisation continue et d’une éclipse du sacré. Il lui oppose la diversité d’un sentiment religieux qui dépend de variables tant géographiques que sociales, et défend un modèle de flux et reflux. Partisan d’une histoire comparée des religions, il souligne le facteur d’émulation que suscite la coexistence des catholiques et des protestants, ou des chrétiens et musulmans, et le rôle des « persécutions » dans les « réveils » religieux. Marqué par l’ethnologie, il participe aux débats sur la « religion populaire » notamment au sein du groupe de La Bussière où il est introduit en 1962. Sa vaste synthèse publiée avec son collègue et complice Yves-Marie Hilaire (Histoire religieuse de la France contemporaine, Privat, 1985-1988, 3 volumes complétés en 2005 pour la période 1974-2004) reprend l’essentiel de ses travaux.
Issu lui-même des mouvements de jeunesse catholiques, Cholvy est le directeur adjoint du GRECO (Groupement de recherche coordonnée) « Histoire religieuse moderne et contemporaine) du CNRS de 1985 à 1988, responsable du programme d’enquête sur les organisations de jeunesse. Ce vaste chantier avait un objectif archivistique – repérer les archives d’associations, les sauvegarder, créer une mémoire orale – et historiographique : saisir le rôle des institutions religieuses dans la formation de la jeunesse. Il en est sorti plusieurs colloques, ouvrages collectifs et une synthèse (Éd. du Cerf, 1999).
Plutôt attentif aux masses, Gérard Cholvy effectue enfin sa conversion biographique dans les années 1990. Il reprend des dossiers anciens tel celui du cardinal de Cabrières, évêque de Montpellier (Cerf, 2007), mais répond surtout à des commandes faisant, comme il le dit lui-même, le travail d’un « chanoine érudit du XIXe siècle ». Il s’intéresse au fondateur d’une congrégation féminine (Univ. Paul-Valéry, 1995), à un frère des Écoles chrétiennes (Salvador 2008), à un capucin « Juste des nations » (Cerf, 2010). Mais son grand œuvre est indéniablement sa biographie de Frédéric Ozanam (1813-1853), publiée chez Fayard en 2003. Il redonne à celui qui était surtout connu pour avoir fondé la Société de Saint-Vincent-de-Paul toute l’épaisseur intellectuelle du romantique de 1830, professeur de littérature étrangère en Sorbonne et spécialiste de Dante, catholique libéral enfin rallié à la République en 1848.
Si la France fut son terrain principal d’enquête, Cholvy s’intéressa aussi à l’arc méditerranéen de l’anticléricalisme, du Portugal à l’Italie, ainsi qu’à une histoire religieuse comparée de l’Europe occidentale dans le cadre de son dernier cours d’agrégation en 2001-2002 (Karthala, 2014). « Ma rencontre personnelle avec l’histoire religieuse est inséparable d’un engagement personnel dans la foi chrétienne » confessait Gérard Cholvy dans L’historien et la foi, collectif dirigé par Jean Delumeau (Fayard, 1996). Il resterait à analyser plus finement cette relation à partir des archives personnelles de Cholvy déposées aux Archives départementales de l’Hérault, comme de son immense correspondance entretenue avec ses amis et disciples.
Une bio-bibliographie (articles exclus) se trouve sur le site de l’équipe de recherches CRISES (EA 4424) de l’université Paul-Valéry Montpellier III, https://crises.www.univ-montp3.fr/fr/cholvy-g%C3%A9rard
Une liste de 199 articles parus entre 1958 et 2004 a été publiée dans les Mélanges offerts à Gérard Cholvy, Montpellier, Université Montpellier III, 2003, p. 11-29. Les tirés-à-part des articles publiés entre 1956 et 2016 ont été déposés aux Archives départementales de l’Hérault (224 J). Nous donnons ici une courte liste des articles majeurs de G. Cholvy illustrant ses champs de recherches :
Les très nombreuses recensions d’ouvrages écrites par Gérard Cholvy, en particulier pour Historiens & géographes et Esprit & Vie, n’ont pas encore été répertoriées.