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Georges DUVEAU (1903-1958)

Rédacteur principal : Éric Anceau

Le parcours de Georges Duveau est atypique puisqu’il a été tour à tour écrivain, critique, journaliste, professeur de l’enseignement secondaire, chercheur et, sur le tard, universitaire. Il est aussi l’incarnation d’une pluridisciplinarité étendue et assumée et d’une interdisciplinarité qui s’ignore. Né en janvier 1903 en Corrèze, il est philosophe et juriste de formation, mais se passionne pour le monde des lettres au point de créer à dix-huit ans à peine, en 1921, une revue mensuelle d’avant-garde intitulée L’Œuf dur qui réunit de jeunes plumes talentueuses dont certaines ont déjà atteint la célébrité alors que d’autres la connaîtront plus tard : Jean Cocteau, Raymond Radiguet, Max Jacob, Martin du Gard, André Spire, Marcel Arland, Louis Aragon, Blaise Cendras, Henry de Montherlant, Paul Morand, Drieu La Rochelle. La revue cesse de paraître en 1924. Duveau se rend lui-même célèbre en publiant un roman, Le Testament romantique en 1927. Il devient aussi pigiste à Paris-Soir. Ses études terminées, il s’éloigne de Paris pour prendre un poste de professeur de lycée à Cahors où il reste quatre ans de 1927 à 1931. Il publie sur place une petite revue intitulée Le Mât de Cocagne, mais commence surtout à préparer une édition critique des œuvres de Proudhon. C’est elle qui le ramène à Paris. Célestin Bouglé le prend dans l’équipe de jeunes sociologues (Chevalier, Friedmann, Mougin,…) qu’il réunit au Centre de Documentation Sociale de l’École normale supérieure, financé par la Fondation Rockefeller, dans le but d’étudier la psychologie et les niveaux de vie des groupes sociaux dans une optique néospiritualiste, en rupture avec le durkheimisme et l’empirisme rationnaliste. Au sein de l’équipe, Georges Duveau se lie d’amitié avec Édouard Dolléans, plus âgé, qui va travailler sur des sujets voisins des siens et avec lequel il va publier de très nombreux travaux jusqu’à la mort de celui-ci en 1954. Parallèlement, il œuvre, à partir de 1932, avec Emmanuel Mounier, Georges Izard et André Déléage à l’élaboration d’une pensée politique non conformiste et empreinte de christianisme social qui donne naissance au groupe Esprit puis à la revue du même nom. Avec Izard et Déléage, mais aussi Jules Roman et Louis-Émile Galey, il publie en 1938, La Bataille de France. Entré au CNRS à sa fondation, il y prépare ses thèses pour le doctorat de sociologie consacrées à la Pensée ouvrière sur l’éducation pendant la Seconde République et le Second Empire d’une part et à la Vie ouvrière sous le Second Empire, d’autre part, qu’il soutient avec succès en 1944. En 1948, il est nommé secrétaire général de L’Année sociologique. Il reçoit la même année une charge d’enseignement de morale et de sociologie à la Faculté des lettres de Strasbourg où il devient successivement maître de conférences à quarante-sept ans, en 1950, puis professeur sans chaire à cinquante ans, en 1953 et enfin professeur en chaire l’année suivante. Il y devient le quatrième professeur de sociologie après les prestigieux Simmel, Halbwachs et Gurvitch. Parallèlement, il enseigne l’histoire des doctrines économiques à l’Institut d’études politiques de Strasbourg et la sociologie politique au Centre universitaire des hautes études européennes. Ces années sont celles d’une intense production à caractère principalement historique et son Histoire du peuple français de 1848 à nos jours reçoit le prix d’histoire de la Tribune de Paris. Sa carrière universitaire est brutalement arrêtée par la mort, en 1958. Il a alors cinquante-cinq ans seulement.

Champ disciplinaire

Sociologie et histoire

Éléments biographiques

Date et lieu de naissance :

le 9 janvier 1903 à Meyssac (Corrèze)

Date et lieu de décès :

le 19 juin 1958 à Paris

Nationalité :

Française

Pays d’exercice :

France

Origines sociales :

Petite bourgeoisie

Origines géographiques :

Corrèze

Confession :

Catholique

Affiliations politiques et syndicales :

Membre fondateur d’Esprit, chrétien social, socialiste indépendant

Autres éléments biographiques :

Fonde des revues littéraires et fait des piges journalistiques pour Paris-Soir. Marié avec pour témoin lors de son mariage Gabriel Le Bras

Scolarité :

Il fait ses études au collège d’Eymoutiers (Haute-Vienne), puis au lycée de Tours.

Activités professionnelles

Carrière de chercheur :

1931-1958

Carrière universitaire :

1948-1958

Études supérieures :

philosophie et droit à l’université de Poitiers puis à la Sorbonne. Licence ès lettres (philosophie) puis de droit. Doctorat d’État en sociologie

Thèses :

La Pensée ouvrière sur l’éducation pendant la Seconde République et le Second Empire et à La Vie ouvrière sous le Second Empire (1944, mention très honorable).

Postes occupés :

enseigne quatre ans au lycée Gambetta de Cahors (1927-1931). Entre en 1931 au Centre de Documentation Sociale de l’École normale supérieure. Intègre le CNRS à sa création en 1939. Reçoit en 1948 une charge d’enseignement de morale et de sociologie à la Faculté des lettres de Strasbourg où il devient successivement maître de conférences en 1950, puis professeur sans chaire en 1953 et avec chaire l’année suivante. Parallèlement, il enseigne l’histoire des doctrines économiques à l’Institut d’études politiques de Strasbourg et la sociologie politique au Centre universitaire des hautes études européennes. Responsabilités scientifiques et institutionnelles : secrétaire général de L’Année sociologique.

Champ chronologique :

la Seconde République, le Second Empire et la Commune, 1848-1871

Perspectives critiques et méthodologiques :

Georges Duveau travaille en interdisciplinarité. Il fait de la sociologie historique avant la lettre. Sa thèse sur la vie ouvrière sous le Second Empire commence par une description de la situation économique, sociale et politique de la France pour se poursuivre par un tableau très détaillé des conditions de travail dans les différents secteurs industriels et le coût de la vie ouvrière. Il en déduit une typologie, somme toute assez rudimentaire : ouvrier des grands centres urbains historiques « héritier de tous les rêves accumulés au cours des siècles par la ville », ouvrier des nouvelles cités industrielles dominées par une famille capitaliste toute puissante dont l’archétype est la famille Schneider au Creusot, l’ouvrier de la ville moyenne aux activités diversifiées et enfin l’ouvrier-paysan tout imprégné de traditions et capable de « réactions les plus élémentaires ». Dans une seconde partie, il s’intéresse aux idées, aux croyances et aux pratiques ouvrières qu’il qualifie du terme général de « mœurs ». Malgré quelques éléments de différenciation qu’il souligne, il se fait ici généraliste, utilisant parfois un ton moralisateur qui rappelle la littérature naturaliste de la fin du XIXe s. Si son 1848, est un tableau très vivant de la révolution de février et de ses suites, sa Sociologie de l’utopie consiste principalement en une typologie des utopistes où la part des facteurs humains et psychologiques occupe une place aussi importante que les idées elles-mêmes. Cette approche démarque radicalement Duveau de Durkheim mais ne l’amène pas aussi loin que Weber. Héritier de Bouglé, il s’inscrit davantage dans la continuité de son prédécesseur immédiat à Strasbourg, Gurvitch, que dans celle du prédécesseur de celui-ci Halbwachs.

Objet d’études :

monde ouvrier, mouvements sociaux et politiques, pensée sociale

Bibliographie :

  • Le Testament romantique (roman), Paris, J. Kra, 1927
  • Articles divers dans La Révolution de 1848, années 1934, 1935
  • Avant-propos, Édouard Dolléans, Victoire des obscurs, Paris, Éditions de Cluny, 1936
  • Introduction avec Édouard Dolléans, Œuvres complètes de Proudhon, Paris, M. Rivière, 1936
  • Coll., La Bataille de France, Paris, P. Tisné, 1938
  • Le Siège de Paris, septembre 1870-janvier 1871, Paris, Hachette, 1939
  • Anthologie des poètes contemporains quercynois, 1942
  • La Vie ouvrière sous le Second Empire, Paris, Gallimard, 1946
  • Ed. avec Édouard Dolléans de P.J. Proudhon, La Révolution sociale démontrée par le coup d’État du Deux Décembre, Paris, Rivière, 1947
  • La Pensée ouvrière sur l’éducation pendant la Seconde République et le Second Empire, Paris, Domat-Montchrestien, 1947
  • Raspail, Paris, PUF, « Centenaire de la Révolution de 1848 », 1948
  • Ed. avec Jean Follain, Martin Nadaud, Mémoires de Léonard, ancien garçon maçon, Paris, Egloff, 1948
  • « Protestantisme et prolétariat en France au milieu du XIXe s. », Revue d’histoire et de philsosophie religieuse, 1951, n° 4, p. 417-428
  • Article, « Le poids de l’histoire dans l’action historique », 1952
  • Introduction, PJ Proudhon, Contradictions politiques. Les démocrates assermentés et les réfractaires,…, Paris, M. Rivière, 1952
  • Coll., Documents diplomatiques de la Commission du pouvoir exécutif, t. 1, Paris, Imprimerie Nationale, 1953
  • Histoire du peuple français, t. IV : de 1848 à nos jours, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1953
  • Coll., Hommage à George Sand, Strasbourg, PU Strasbourg, 1954
  • Coll., Problèmes de civilisation européenne, Strasbourg, Istra, 1956
  • Les Instituteurs, Paris, Le Seuil, coll. le Temps qui court, 1957
  • Article, « Les mobiles humains en histoire », 1958
  • Coll., Répertoire international des sources pour l’étude des mouvements sociaux, vol. 1, La Première Internationale, 1- Périodique, Paris, A. Colin, 1958
  • Sociologie de l’utopie, Paris, PUF, 1961 (posthume)
  • Contribution, Jean Maîtron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Paris, Éditions ouvrières, 1964-1966, 3 vol. (posthume)
  • 1848, Paris, Gallimard, Nrf, 1965 (posthume)
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